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Notre petite rubrique de la nuit

Le réanimateur est amené à prendre en charge une jeune femme de 22 ans, intubée par l’équipe du SAMU pour coma profond sur intoxication médicamenteuse. Par routine, la patiente bénéficie d’une échographie corps entier, débutant par l’utérus (un réflexe chez toute femme en âge de procréer). Une image évocatrice est détectée au sein de l’utérus et considérée comme une grossesse. L’ami, présent dans la salle d’attente, nous confirme la grossesse débutante, découverte ce jour et ayant créé une crise conjugale - sans doute à l’origine du geste actuel (l’ami ayant eu comme premier réflexe... la fuite).

La décision est prise de surseoir à la radiographie thoracique. Nous pratiquons une échographie pulmonaire (Figures 1 à 3). Cet examen a montré sa supériorité sur tous les plans par rapport à la radiographie thoracique [1]. Un glissement pleural antérieur conservé nous permet de contrôler l’absence de pneumothorax [2]. Une majorité de lignes “A” à la surface antérieure nous permet d’éliminer un éventuel œdème pulmonaire [3]. L’absence de pouls pleural gauche témoigne de l’absence d’intubation sélective droite [4]. Des fusées pleurales sont présentes en latéral droit, témoignant d’un syndrome interstitiel [5]. Un examen plus postérieur révèle une consolidation alvéolaire du lobe inférieur [6]. Un balayage de cette zone retrouve un aspect homogène, éliminant une complication de type nécrotique [7].

A ce moment, nous nous considérons en possession des informations qu’on peut attendre de la radiographie thoracique au lit - et bien plus quand on connaît la faible acuité de cet examen (Figures 1 à 4). C’est une information presque équivalente à celle d’un scanner - voire supérieure [7] - dont la patiente bénéficie. Le diagnostic porté est celui de pneumopathie d’inhalation, une antibiothérapie mise en œuvre.

L’évolution immédiate est favorable, la patiente peut être extubée sans souci, bénéficie de l’entretien psychiatrique d’usage qui conclut à la bénignité du geste. Elle sort avec une prescription d’antibiotique pour quelques jours. Le choc passé, son ami est prêt à affronter son nouveau rôle.

Dans ce cas clinique, l’option “Irradiation Zéro” a pu être jouée avec succès et sans risque pour la patiente. Nous ne prescrivons que rarement une radiographie thoracique chez nos patients critiques. Un protocole visant à substituer l’échographie pulmonaire à la radiographie thoracique en réanimation néo-natale est en cours de soumission. On imagine le bienfait d’un scanner évité, non seulement pour la patiente qui reçoit l’équivalent (en irradiation) de 100 à 200 radiographies, mais aussi pour la collectivité.

 

Figures

Figure 1 : Surface pulmonaire antérieure gauche.

Gauche. Les lignes horizontales attestent d’une image aérique pure (pneumothorax) ou quasi-pure (poumon sain).

Droite. Le signe du “bord de mer” permet d’éliminer le pneumothorax. L’aspect régulier enregistré permet aussi d’éliminer une atélectasie complète aiguë du poumon gauche, qui se verrait même au stade immédiat encore massivement aéré en cas d’intubation sélective.

Figure 2 : Surface pulmonaire latérale droite.

Des lignes B fournies indiquent une souffrance interstitielle.

Figure 3 : Surface pulmonaire en zone 3 (approche semi-postérieure droite).

Une consolidation alvéolaire massive, sans perte de volume apparent, sans altération de la cinétique phrénique (lors de la ventilation spontanée), associée à des bronchogrammes aériques dynamiques, permet d’affirmer le comblement alvéolaire - probablement d’origine infectieuse après inhalation dans ce cas.

Références

1. Comparative diagnostic performances of auscultation, chest radiography and lung ultrasonography in acute respiratory distress syndrome. Anesthesiology 2004;100:9-15

2. A bedside ultrasound sign ruling out pneumothorax in the critically ill: lung sliding. Chest 1995;108:1345-1348

3. A lung ultrasound sign allowing bedside distinction between pulmonary edema and COPD: the comet-tail artifact. Intensive Care Med 1998;24:1331-1334

4. The lung pulse: an early ultrasound sign of complete atelectasis. Intensive Care Med 2003;29:2187-2192

5. The comet-tail artifact, an ultrasound sign of alveolar-interstitial syndrome. Am J Respir Crit Care Med 1997;156:1640-1646

6. Ultrasound diagnosis of alveolar consolidation in the critically ill. Intensive Care Med 2004;30:276-281

7. Lung ultrasound superior to CT? The example of a CT-occult necrotizing pneumonia. Intensive Care Medicine 2006;32:334-335

 


NB : Cette application est décrite en détails dans l'ouvrage "L'Echographie Générale en Réanimation", Springer-Verlag, 2ème édition (2002) aux pages 101-142.